Procès d'Hosni Moubarak
- Par Le Guide De La Critique
- Le 03/08/2011
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- Dans Actualités et événements
Décryptage - Robert Solé, écrivain et journaliste français d'origine égyptienne, fait le point sur les incertitudes qui planent sur le procès du président déchu, qui s'est ouvert ce mercredi au Caire
TF1 News : Au matin du procès d'Hosni Moubarak, beaucoup d'incertitudes planaient sur la tenue même d'une audience. Quels sont les scénarios possibles ?
Robert Solé : Il y a effectivement beaucoup d'incertitudes. La plus grande porte sur l'état de santé d'Hosni Moubarak. On ne sait pas s'il souffre seulement d'un cancer ou s'il a des ennuis cardiaques. Son éviction l'a démoli psychologiquement. Son état pourrait donc l'empêcher d'être présent. A moins que ses avocats n'aient précisément dramatisé le sujet dans ce but.
Quoiqu'il en soit, plusieurs scénarios sont possibles. Soit le procès n'a pas lieu, et on attend la mort de Moubarak. C'est sans doute ce qu'espèrent les militaires au pouvoir. Soit il a lieu, et là encore, il y a mille façons de le faire traîner ou de ne pas faire appliquer une condamnation. Il faut dire que la situation est très particulière. D'habitude, quand un autocrate ou un dictateur est renversé, il quitte le pays parce qu'il sait qu'il va être jugé pour toutes sortes de raisons. Là, par fierté ou par inconscience, il a tenu à rester et à s'installer dans l'une de ses résidences de Charm El-Cheikh.
TF1 News : L'armée au pouvoir a-t-elle intérêt à la tenue du procès ?
Robert Solé : D'une certaine manière, elle y a intérêt pour satisfaire les manifestants qui continuent à se mobiliser place Tahrir. Mais elle est aussi très ennuyée. D'abord parce que Moubarak est l'un des siens. Il ne faut pas oublier que le chef actuel du Conseil suprême des forces armées, le maréchal Tantaoui, a été ministre de la Défense de Moubarak pendant 20 ans. Ensuite, l'armée craint que Moubarak ne déballe son sac. Dans un pays où le pharaon est à la tête du pays et contrôle tout, toutes les décisions importantes ont été prises avec son aval. Il pourrait donc mettre en cause beaucoup de monde dans l'exécution de ces ordres, y compris certains chefs de l'armée, dans la révolution de février mais aussi pour des actes antérieurs.
Plus globalement, tout le monde est susceptible de mettre en cause tout le monde dans cette affaire. C'est d'ailleurs là tout le problème. Le ministre de l'Intérieur qui sera jugé avec Moubarak, Habib Al-Adly, s'est ainsi empressé de rejeter sur le raïs la responsabilité de toutes les décisions prises lors des manifestations.
TF1 News : Quel effet produirait un report du procès sur les manifestants ?
Robert Solé : Il pourrait énerver considérablement les auteurs du renversement de Moubarak. Pendant les 18 jours de la révolution, ils se sont focalisés sur sa personne et ils se focalisent maintenant sur son procès. Pourtant, le problème, ce n'est pas Moubarak mais le régime. Décapité, il est toujours quasiment en place depuis le départ du raïs. Et ce, même si tous les médias gouvernementaux célèbrent les martyrs de la révolution.
"Il est difficile d'envisager une condamnation à mort"
TF1 News : Comment le tribunal pourrait-il justifier l'ajournement du procès ?
Robert Solé : L'Egypte est en ce moment tous les jours dans l'improvisation. C'est vrai pour la justice, le Conseil suprême des forces armées et pour le gouvernement. La loi n'a rien à voir avec la pratique.
TF1 News : Moubarak pourrait-il écoper de la peine capitale, comme le réclament les manifestants de la place Tahrir ?
Robert Solé : Il est à l'heure actuelle difficile d'envisager qu'il soit condamné à mort - la peine qu'il encourt pour le meurtre de 840 manifestants mais aussi détournement de fonds publics - compte tenu de son état de santé et de son âge. Beaucoup d'Egyptiens, tout en condamnant les excès du régime Moubarak, sont d'ailleurs choqués par l'idée même de son procès, a fortiori par son exécution.
Cette opposition illustre la division de la rue. Il y a d'un côté le camp des islamistes qui jouent les forces armées et veulent des élections le plus tôt possible, et puis une nébuleuse de mouvements et de partis qui s'affirment de plus en plus comme laïcs. Mais ils sont très divisés, désordonnés, et sont en train de se rendre impopulaires auprès d'une grande partie de la population égyptienne surtout préoccupée par des questions économiques, par les fins de mois et par l'effondrement du tourisme.
TF1 News : Moubarak pourrait-il se faire lyncher ?
Robert Solé : Je ne pense pas. Toutes les mesures seront prises pour que cela n'arrive pas. Mais l'apparition dans la cour d'Hosni Moubarak en tenue de prisonnier et derrière les barreaux comme cela se fait en Egypte aurait un impact psychologique énorme, difficile à anticiper.
TF1 News : Pourquoi avoir choisi d'organiser le procès pendant le ramadan ?
Robert Solé : C'est effectivement un peu curieux et il est difficile de l'interpréter. Tout ce qu'on peut dire, c'est que cette année, plus que d'habitude avec la chaleur, les gens vont être fatigués. Difficile de savoir s'il va être l'occasion d'une trêve ou au contraire de l'exacerbation de l'énervement
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